Analyse Sociocritique de « La Neutralite Documentaire » de l’oeuvre photographique de Bernd et Hilla Becher
Mots-clés :
Sociocritique, désenchantement, indifférence esthétique et sémantique, photographie contemporaineRésumé
L’œuvre photographique de Bernd et Hilla Becher est toujours présentée comme étant strictement informative du fait qu’elle a appliqué un rigoureux protocole dit scientifique lors de sa morphogenèse. Associée à “L’Ecole de la photographie de Düsseldorf ”, cette œuvre conceptuelle est considérée comme une tentative (hors idéologie) d’une nouvelle émancipation artistique de la photographie parce qu’elle repose sur des signes iconiques qualifiés d’espaces sémiotiques de neutralité. Or, cette neutralité devient contestable dès lors qu’elle constitue une modalité de transcription des structures iconiques de l’œuvre des Becher en homologie avec le désenchantement (M. Weber) que réactive l’émergence de structures sociohistoriques du [Le] nouvel esprit du capitalisme, décrit dans l’ouvrage éponyme de Luc Boltanski et Eve Chiapello. Tout comme est encore douteux que l’œuvre, en transcrivant l’inconscient culturel technoscientifique infiltré non consciemment dans la morphogénèse de la photographie, soit considéré comme relevant d’une neutralité objectiviste, dès lors qu’il renforce une indifférence esthétique par un processus de dé-sensibilisation esthétique, culturelle et symbolique. Ainsi, les concepts de désenchantement comme celui de l’indifférence esthétique ébranlent la notion de neutralité établie par la critique d’art contemporain prédominante. C’est la raison pour laquelle sont examinées dans cet article les structures significa- tives d’émancipation ou de “libération” de toute référence au vécu, d’indifférence sémantique et de vision du monde dépersonnalisée, comme étant susceptibles d’interagir sur le sujet, en constituant des homologies structurales entre ce type de photographie documentaire artistique contemporaine et le Tout (Cros: 2016). Le Tout, étant ici compris comme le monde social en passe d’être dominé par un capitalisme libéral globalisé.