Les Vivants et les Ombres de Diane Meur à la lumière de la narratologie « non naturelle »1

Diane Meur’s Les Vivants et les Ombres in the light of “unnatural” narratology

Przemyslaw SZCZUR

Université pédagogique de Cracovie, Pologne

przemyslaw.szczur[at]up.krakow.pl

Impossibilia. Revista Internacional de Estudios Literarios. ISSN 2174-2464. No. 21 (mayo 2021). Miscelánea. Páginas 262-282. Artículo recibido 18 agosto 2020, aceptado 05 febrero 2021, publicado 30 mayo 2021

Résumé : Cet article se propose de présenter brièvement une branche dynamique des études narratives contemporaines, nommée « narratologie non naturelle », en prenant l’exemple d’un roman belge de langue française, paru en 2007, à savoir Les Vivants et les Ombres de Diane Meur. Il s’agit surtout d’examiner la narratrice non humaine de ce texte afin de dégager sa spécificité, à la fois au niveau de ses pratiques narratives et sous l’angle de son influence sur la dimension générique du texte. La conclusion met l’accent sur les transformations contemporaines du roman historique, dues notamment à l’introduction d’instances narratives « non naturelles » qu’il est possible d’interpréter à la lumière des tendances posthumanistes de la culture contemporaine et des caractéristiques de la littérature postmoderne.

Mots-clés : Diane Meur, littérature belge francophone, narratologie « non naturelle », roman historique, Pologne

Abstract: This article aims to briefly present a dynamic branch of contemporary narrative studies, called “unnatural narratology”, taking the example of a Belgian French-language novel, published in 2007, namely Les Vivants et les Ombres, by Diane Meur. The author examines the non-human narrator of this text in order to identify his specificity, both at the level of his narrative practices and from the angle of his influence on the generic dimension of the text. The conclusion emphasizes the contemporary transformations of the historical novel, due in particular to the introduction of “unnatural” narrative instances that can be interpreted in the light of the posthumanist tendencies of contemporary culture and the characteristics of postmodern literature.

Keywords: Diane Meur, Belgian literature in French, “unnatural” narratology, historical novel, Poland

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Parmi les développements postclassiques de la narratologie, l’un de ceux qui rencontrent aujourd’hui le plus de succès, surtout dans la recherche anglophone, est la narratologie dite « non naturelle ». 2 C’est aussi l’une des tendances les plus récentes ; il est en effet possible de dater l’invention même du terme à 2007 lorsqu’un groupe de chercheurs composé de Jan Alber, Maria Mäkëlä, Brian Richardson et Henrik Skov Nielsen l’utilise pour la première fois pendant un congrès de narratologie (Patron, 2019 : 1-2) ; les principaux développements théoriques datent des années 2010. La recherche littéraire francophone s’est jusqu’à présent assez peu intéressée à cette perspective, à l’exception notable des travaux de Sylvie Patron (2019) et de Raphaël Baroni (2017) ainsi que des activités du séminaire « Recherches contemporaines en narratologie », tenu au Centre de Recherches sur les Arts et le Langage de Paris (EHESS). Il faudrait sans doute s’interroger sur les raisons de cette relative méconnaissance de la narratologie « non naturelle » qui semble d’ailleurs s’étendre à la narratologie postclassique dans son ensemble (narratologie « naturelle », féministe, postmoderne, postcoloniale…). Notre propos dans le présent article sera à la fois plus modeste et plus empirique : après avoir brièvement présenté la narratologie « non naturelle », nous proposerons une lecture du roman Les Vivants et les Ombres de l’auteure belge francophone Diane Meur, dont la publication fut contemporaine de l’apparition dans le paysage critique de ce courant narratologique (2007). Notre analyse de ce texte sera inspirée de concepts introduits par ses représentants et limitée aux aspects qu’ils permettent d’éclairer.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, nous aimerions encore souligner l’intérêt non seulement de l’ouvrage analysé ici, mais également de l’ensemble de l’œuvre de Diane Meur, auteure pourtant jusqu’à présent pratiquement absente du discours de la critique universitaire concernant les lettres belges francophones,3 malgré les nombreux prix littéraires dont elle est lauréate (dont le prix Rossel, le plus prestigieux en Belgique francophone, reçu justement pour Les Vivants et les Ombres) et l’importance de sa production romanesque, embrassant huit romans : La Vie de Mardochée de Löwenfels, écrite par lui-même (2002), Le Prisonnier de Sainte-Pélagie (2003), La Dame blanche de la Bièvre (2004), Raptus (2004), Les Vivants et les Ombres (2007), Les Villes de la plaine (2011), La Carte des Mendelssohn (2015) et Sous le ciel des hommes (2020). La plupart de ces textes sont des romans historiques, ce qui permet de relier l’œuvre de l’écrivaine au renouveau d’intérêt pour l’histoire dans la littérature belge contemporaine de langue française, une tendance inaugurée par la génération de la « belgitude » (Teklik, 2017 : 51-55). Dans ce qui suivra, nous nous intéresserons non seulement à la spécificité narrative des Vivants et les Ombres, mais aussi à son impact sur le genre du roman historique. Pour commencer, le terme « narratologie non naturelle » appelle quelques éclaircissements car il peut prêter à confusion. Différentes définitions en ont été proposées, mais il s’agit globalement d’une approche qui complète, d’une manière polémique, la « narratologie naturelle », d’inspiration cognitiviste, conceptualisée surtout par Monika Fludernik qui entend par « récits naturels », « les histoires qui se racontent dans des conversations spontanées » (citée d’après Nielsen, 2010) et les pose en modèles pour les narrations littéraires. En revanche, selon Brian Richardson, ces dernières sont remplies d’éléments « non naturels » et « le non-naturel se compose d’événements, de personnages, de localisations spatio-temporelles ou d’actes de narration antimimétiques, c’est-à-dire opposés aux présupposés sur lesquels se fondent les récits non fictionnels, ainsi que les pratiques narratives associées au réalisme » (Richardson, 2018 : 167). Les présupposés en question sont des schémas cognitifs issus de notre expérience du monde. Richardson utilise le « non-naturel » et l’« antimimétique » comme des quasi-synonymes. Il faut toutefois souligner que la notion de mimétique renvoie ici moins à l’imitation par la littérature de la réalité qu’à celle de conventions narratives caractéristiques des récits extralittéraires et réalistes. Ainsi la narratologie « non naturelle » s’intéresse-t-elle en priorité à des éléments narratifs (diégétiques, actoriels,4 spatio-temporels) qui contredisent des présupposés typiques de la communication courante. Jan Alber, quant à lui, définit le « non-naturel » comme des « physical, logical, or human impossibilities, that is, phenomena that cannot be actualized in the real world » (Alber, 2016 : 41).5 Dans ce cas, nous sommes plus proches des conceptions courantes du surnaturel, bien que nous ne puissions évidemment pas considérer les deux notions comme synonymes (ce sont surtout les « impossibilités physiques et humaines » qui se rapprochent du concept de surnaturel). Les définitions du « non-naturel » proposées par les adeptes de la narratologie « non naturelle » ne sont donc pas identiques mais elles renvoient toutes à des phénomènes s’écartant de notre expérience quotidienne de la réalité, des représentations conventionnalisées de celle-ci ou des pratiques narratives courantes. Les représentants de la narratologie « non naturelle » abordent les récits non seulement sous l’angle de leurs constituants antimimétiques mais également du point de vue de leur réception. Certains soulignent la continuité entre les pratiques interprétatives concernant les récits conversationnels (« naturels ») et littéraires, d’autres mettent en valeur la spécificité des récits « non naturels » en termes de réception. À titre d’exemple, Henrik Skov Nielsen définit ces derniers comme ceux qui « poussent le lecteur à interpréter d’une manière qui est différente de l’interprétation des actes de narration du monde réel » (Nielsen, 2010). La notion de « naturalisation », à laquelle font souvent appel les représentants de la narratologie « non naturelle », désigne des pratiques de lecture qui consistent à ramener les « excentricités » narratives à des schémas cognitifs issus de l’expérience quotidienne. Si ce processus intéresse la narratologie « non naturelle », beaucoup de ses adeptes refusent de réduire la réception de tous les récits à des modèles caractéristiques de la communication courante. Ils posent en principe une certaine indépendance de la narration littéraire, comme on peut le voir dans cette affirmation de Nielsen, selon qui, en littérature, « […] nous pouvons faire confiance à une narration qui n’aurait aucune fiabilité comme récit du monde quotidien » car « [l]es lecteurs qui pensent lire des récits fictifs ou fictionnalisés n’ont pas besoin d’utiliser les mêmes stratégies d’interprétation qu’ils utilisent envers d’autres récits ; ils ne le font pas d’habitude » (2010). Dans cette variante de la narratologie « non naturelle » que représente Nielsen, la spécificité des narrations littéraires se trouve (ré)affirmée contre toutes les conceptions « naturalisantes » qui prétendent ramener la communication littéraire à la communication courante. Parmi les récits qui relèvent de la narratologie « non naturelle », nous pouvons citer notamment ceux qui sont confiés à des narrateurs non humains, instances narratives dont la dimension anthropomimétique est limitée (mais non entièrement absente, comme nous le verrons ci-dessous). Il peut s’agir d’êtres de différentes sortes, les plus fréquemment utilisés étant les animaux et les objets inanimés. S’agissant de cette dernière catégorie, il convient de rappeler avec Lars Bernaerts, Marco Caracciolo, Luc Herman et Bart Vervaeck que « One of the central dichotomies used in defining human nature is the distinction between object and subject. As subjects, humans are basically different from objects. […] However, there are many ways in which objects are humanized» (2014 : 82).6 L’une de ces manières consiste à les utiliser comme narrateurs. Il serait possible de parler à ce propos simplement de narrateurs-objets ou encore de narrateurs « objectaux ». Nous examinerons ici justement un cas de ce genre, qui nous paraît intéressant dans la mesure où il y est fait appel à une narratrice « non naturelle », à savoir une maison, utilisée pourtant dans un genre littéraire qui constitue l’un des parangons du mimétisme littéraire, à savoir le roman historique, ce qui crée une combinaison originale entre mimétique et antimimétique. Dans Les Vivants et les Ombres, cet être (normalement) inanimé raconte en effet, à l’occasion de l’évocation du destin d’une famille établie en Galicie, les Zemka-Ponarski, un pan entier de l’histoire polonaise, allant de la fin du XVIIIe jusqu’au début du XXe siècle. Cette maison-narratrice peut être rangée à l’intérieur d’une catégorie baptisée par Stefan Iversen « esprit non naturel », c’est-à-dire « une conscience [re]présentée qui, dans ses fonctions ou ses réalisations, viole les règles gouvernant le monde possible dont elle fait partie » (cité d’après Patron, 2019 : 4). La maison-narratrice est effectivement représentée à la fois comme un bâtiment et un être conscient, doué d’une compétence narrative. Dans le roman de Diane Meur, il s’agit donc non seulement d’un esprit, mais aussi d’un acte de narration « non naturel », pour revenir à la définition de Brian Richardson citée précédemment. L’un des représentants de la narratologie « non naturelle », Biwu Shang, au lieu de parler de « récits non naturels », propose de s’intéresser aux « éléments non naturels » qui peuvent apparaître dans tout récit avec plus ou moins de récurrence et à un niveau local ou global. Il considère ainsi que « the unnaturalness of a narrative text is a matter of degree and of level» (Shang, 2019 : 6)7 et non d’essence. Les éléments susmentionnés « can be on display at the story level and/or the discourse level » (Shang, 2019 : 6)8 sans qu’une cohérence entre les deux niveaux du texte narratif soit nécessaire. Dans Les Vivants et les Ombres, la « non-naturalité » se situe en effet au niveau du discours narratif. Elle est aussi annoncée d’emblée, puisque, dans les deux éditions existantes, celle chez Sabine Wespieser, et celle en livre de poche, un paratexte éditorial, à savoir la quatrième de couverture, précise que l’auteure a confié la narration à une maison. L’insertion de cette information à cet endroit stratégique tend à suggérer que la présence d’une narratrice « non naturelle » est avancée comme un marqueur d’originalité et devient un argument publicitaire.

Cependant, nous ne pouvons pas parler dans ce cas d’une narratrice entièrement non humaine ; bien des attributs humains lui sont également prêtés. Vu leur nombre et leur diversité (compétences linguistiques, perceptions, sentiments, souvenirs ou encore opinions politiques), il serait même possible de parler d’un degré élevé d’anthropomorphisation. Ce genre de mélange d’attributs est un trait caractéristique des narrateurs communément appelés « non-human narrators » (Bernaerts et al., 2014 : 71)9 que l’on devrait par conséquent qualifier plutôt de « mi-humains » ou « humanoïdes ». En effet, « non-human narration cannot be reduced to the unnatural and the strange, since it is caught in a dialectic of […] the familiar and the strange, human and non-human experience » (Bernaerts et al., 2014 : 75).10 Malgré son caractère « non naturel », la maison-narratrice présente donc beaucoup de traits caractéristiques des narrateurs homodiégétiques humains. Ses états et activités sont ceux d’un être partiellement anthropomorphe et servent à motiver la forme que prend son récit. L’une des particularités majeures de l’instance narrative des Vivants et les Ombres consiste justement en l’exploitation de ses attributs humains dans le but de motiver la construction du récit. À titre d’exemple, les ellipses narratives sont habituellement déclenchées par son « endormissement ». Dans un extrait à valeur métanarrative, elle justifie aussi l’ordre de son récit par un fonctionnement particulier de son esprit :

Tandis que je raconte une réception chez les von Kotz cinq ans après le congrès de Vienne, […] j’ai en tête une infinité d’autres scènes liées à la première par un rapport d’analogie, de contraste, d’antagonisme ou de continuité, voire sans rapport aucun. […] si je m’écoutais, je sauterais en permanence d’une époque à une autre. Certes, pour faire comprendre les causalités et les filiations, la marche du temps s’impose. Mais je ne peux tout à fait me domestiquer… (Meur, 2007 : 34).

Dans ce fragment, la temporalité du récit reçoit une justification cognitive ou, plus exactement, mémorielle. Globalement, l’ordre chronologique est respecté, cependant, il se trouve ponctuellement perturbé par des analepses et prolepses, motivées par de brusques surgissements de souvenirs enfouis et par le fonctionnement « omnitemporel »11 de la mémoire de la narratrice pour laquelle les différents moments sur l’axe du temps forment un tout mémoriel palimpsestique. Dans le cadre de l’anthropomorphisation de l’instance narrative, la mémoire qui lui est prêtée partage bien des traits avec la mémoire humaine. C’est pour cette raison qu’en dépit de la chronologie, la mort tragique du comte Fryderyk Ponarski, bâtisseur du manoir, est relatée de manière détaillée seulement vers la fin du livre lorsque la narratrice se rappelle la révolte des paysans ruthènes de 1768 qui a coûté la vie à l’aristocrate. Les facultés mnésiques de la narratrice sont donc sujettes à des perturbations qui justifient les bouleversements de l’ordre de présentation des événements. Nous avons vu au début de cet article que certaines définitions identifiaient le non-naturel à l’antimimétique. Certes, doter un être inanimé de conscience et de parole contrevient aux conventions mimétiques. Mais une fois la maison « conscientisée », dans Les Vivants et les Ombres, la représentation de cette conscience est tout à fait cohérente et conforme à celle d’un esprit humain. Anthropomorphiser l’instance narrative « non naturelle » revient donc finalement à la « naturaliser » partiellement. Sa naturalisation s’enracine pour une large part dans cette « habitude cognitive » humaine qui consiste en « the cognitive habit of animating the inanimate » (Bernaerts et al., 2014 : 70)12 et qui a donné naissance à une longue tradition littéraire dans laquelle divers genres (fables, contes didactiques, etc.) font appel à des narrateurs non humains. Ce caractère « composite » de nombreuses instances narratives pourrait valoir comme argument en faveur d’une conception graduelle et non absolutiste du non-naturel.

Une autre particularité de l’instance narrative « non naturelle », telle qu’elle apparaît dans Les Vivants et les Ombres, consiste en ses interventions métanarratives fréquentes. Elle manifeste constamment sa présence, comme dans ce passage :

Étant ce que je suis, je n’ai pas de point de vue propre. Je me contente d’emprunter ceux des autres […].
Mais cette diversité de points de vue n’implique chez moi aucune indifférence. Je me glisse partout, je me glisse en tout […]. Je suis sûre qu’un tel aveu ne plaira pas aux hommes, qui se vantent de leur révolution copernicienne mais restent chacun le centre de leur monde. Jamais ils n’auraient la curiosité de se le représenter du point de vue, mettons, de leurs pendules, chandeliers, embrasses de rideaux, ou autres objets quotidiens […]. C’est pourtant ce que je fais, moi, à l’occasion. Et quelles étranges couleurs il prend, le monde vu sous cet angle !
[…] lorsque j’additionne tout ce que m’apprennent mes multiples sensibilités de bêtes, d’hommes, de fauteuils et de tasses, que je prête simultanément l’oreille à tout ce qui s’est jamais fait, dit, pensé en moi, […] il me semble tout comprendre, et le comprendre avec une profondeur, une richesse de vue inégalées. Tout ne forme plus qu’une seule grande histoire, dans laquelle les souris du cellier ont leur rôle à tenir non moins que les comtes Ponarski ou les demoiselles Zemka (Meur, 2007 : 31-33).

Ce fragment, en plus d’illustrer le haut degré d’interventionnisme de l’instance narrative dans le texte, permet aussi de relever une autre de ses caractéristiques, à savoir son recours systématique à la perspective d’autrui. Elle s’autocaractérise ici par des facultés que nous pourrions qualifier de « télépathiques » ou « omnimentales ». C’est à l’aide des notions de télépathie et d’« omnimentalité » que les représentants de la narratologie « non naturelle » conceptualisent le plus souvent la capacité de lire dans les pensées des personnages dont disposent traditionnellement les narrateurs auctoriaux (selon Franz K. Stanzel) ou hétérodiégétiques et extradiégétiques à focalisation zéro (d’après Gérard Genette) chez qui cette faculté est conventionnalisée (Alber, 2016 : 88-93).13 Cependant, en l’occurrence, il s’agit d’une narratrice homodiégétique pour qui une telle capacité est inhabituelle. Vue sous cet angle, l’instance narrative des Vivants et les Ombres pourrait être qualifiée de « pseudo-homodiégétique », dans la mesure où, malgré son appartenance à l’univers diégétique, elle possède des attributs habituellement réservés aux narrateurs hétérodiégétiques.14 Se prévalant de ce privilège surhumain et prétendant adopter leur point de vue, la narratrice anthropomorphise d’autres êtres ou objets (meubles, animaux…). En annonçant ainsi, dans la partie inaugurale de son récit, l’adoption de points de vue insolites sur la réalité, elle stimule l’intérêt des narrataires ; en effet, le suspense ainsi créé concerne non seulement le déroulement des événements mais aussi leur présentation sous un angle inédit. La « non-naturalité » de la perspective est donc susceptible d’attiser l’intérêt narratif et renforce la « racontabilité » (ang. tellability) de l’histoire, c’est-à-dire la qualité qui fait qu’elle vaut la peine d’être racontée (Ryan, 2008). Les réflexions citées ont également une dimension philosophique car la narratrice remet clairement en question l’anthropocentrisme. Elle met sur un pied d’égalité hommes, animaux et objets domestiques. Cet aspect philosophique du propos l’inscrit dans la tradition des narrateurs non humains comme outil de déstabilisation des idéologies anthropocentriques (Bernaerts et al., 2014 : 74 ; Alber, 2016 : 79).

Il ne faut pas confondre l’« omnimentalité » susmentionnée avec l’omniscience, notion d’ailleurs controversable, comme le rappelle Jonathan Culler (2004). Au contraire, dans Les Vivants et les Ombres, il arrive à la narratrice de faire état des limites de son savoir concernant certains personnages. Si elle se targue au début de pouvoir pénétrer toutes les consciences, elle admet ensuite qu’il en existe qui lui restent opaques. C’est le cas de Wioletta, l’une des filles de Jozef et Clara Zemka, au moment où elle tombe enceinte et tait obstinément le nom du père de son enfant. Voici comment la narratrice en rend compte :

J’écoute la mère qui questionne et la fille qui se tait, je scrute les traits de cette dernière sans parvenir à pénétrer sa mémoire, ses pensées ; et je me sens, pour la première fois de ma vie, incroyablement sotte.
[…]
Wioletta me reste pour l’heure aussi opaque qu’à sa mère, et je me rends compte qu’elle m’est opaque depuis près de deux ans sans que j’y aie pris garde. Car il fut bien un temps où je la perçais à jour comme les autres, où j’entrais de plain-pied dans ses secrètes rêveries. Elle a dû employer toutes ses forces […] à se replier sur elle-même pour préserver son secret (Meur, 2007 : 292-293, 296-297).

Ainsi l’une des héroïnes fait-elle obstacle à l’« omnimentalité » de la narratrice. Cette limitation momentanée de ses capacités « télépathiques » semble beaucoup plus s’accorder avec son statut homodiégétique. Cependant, il s’agit bien d’une défaillance passagère ; à force de scruter ses interactions avec les autres personnages, la narratrice finit par triompher de l’opacité et apprend que c’est le beau-frère de Wioletta, Agenor Karlowicz, qui l’a séduite. Reste qu’environ soixante pages séparent la révélation de la grossesse de celle du nom du séducteur. La défaillance de la narratrice crée ainsi localement du suspense et relance l’intérêt des narrataires pour la marche de l’intrigue. Il y a d’ailleurs un deuxième moment où Wioletta « résiste » à la narratrice et l’« exclut de son for intérieur » (Meur, 2007 : 572), c’est celui où elle fait des recherches sur le passé familial et finit par découvrir que les grands-parents paternels de son père, Jozef Zemka, antisémite notoire, étaient des frankistes, c’est-à-dire des Juifs convertis au catholicisme, en 1759.15 À des moments importants de l’intrigue, le suspense est donc entretenu par la limitation de la perspective narrative, motivée par la résistance de certains personnages à l’« omnimentalité » de la narratrice.

Bien qu’il existe des exemples de romans historiques faisant appel à des narrateurs non humains, par exemple, dans le domaine français, Le Portrait de Pierre Assouline, publié la même année que Les Vivants et les Ombres, il s’agit d’un procédé inhabituel, qui ne fait sûrement pas partie des conventions narratives constitutives de ce sous-genre romanesque. Le roman de Diane Meur ne s’inscrit donc pas entièrement dans l’horizon d’attente générique propre au roman historique. C’est justement au niveau du discours narratif qu’a lieu une certaine « défamiliarisation » générique, pour reprendre un terme de Chklovsky souvent utilisé par les narratologues (Bernaerts et al., 2014 : 72-73). Cependant, de l’« omnimentalité » de la narratrice découle aussi une caractéristique générique plus classique : comme elle est capable d’embrasser toutes les perspectives, Les Vivants et les Ombres s’inscrit dans l’une des deux principales traditions du roman historique, celle du « multiperspectivity » (Humphrey, 2008 : 214).16 Quant au niveau de l’histoire, l’horizon d’attente générique habituel y est préservé. Mise à part leur narratrice, Les Vivants et les Ombres est un roman historique assez classique, de type sagaesque, où l’évocation de l’histoire est inséparable de celle du destin d’une famille.

L’action proprement dite, enrichie de nombreuses analepses, se déroule principalement au XIXe siècle, et commence en 1820, par le retour dans la maison familiale de Jozef Zemka, arrière-petit-fils du comte Fryderyk Ponarski, bâtisseur du manoir qui se trouve désormais entre les mains d’un Autrichien, le baron von Kotz. Jozef assiste dans ses fonctions son oncle, Krzysztof Ponarski, intendant du domaine ayant appartenu à sa famille. Il épouse ensuite Clara von Kotz, fille des nouveaux propriétaires, et récupère ainsi les biens familiaux. La suite de l’intrigue retrace le destin de Jozef, Clara et leurs filles, surtout quatre d’entre elles : Maria, Urszula, Wioletta et Zosia. Est également racontée la vie du frère aîné de Jozef, Adam, de son fils Jean, qui épouse sa cousine Maria, et des descendants d’Urszula : son fils, Andrzej, et ses petits-enfants, Kazimierz et Tessa. Une foule de personnages secondaires apparaît aussi, qu’il s’agisse de membres de la famille, d’enfants naturels, de domestiques ou de voisins, offrant un large panorama de la société multiethnique, multiculturelle et multiconfessionnelle, caractéristique des confins orientaux de l’ancienne Pologne. L’intrigue est globalement régie par le schéma « grandeur et décadence » dont le modèle paradigmatique dans la littérature belge francophone reste La Fin des bourgeois de Camille Lemonnier (1892). Les Zemka-Ponarski sont une famille aux origines multiples (à la fois nobles, bourgeoises et juives) qui se lance avec succès dans l’industrialisation (Jozef fonde une sucrerie), mais décline assez rapidement, ce que symbolisent, comme dans les grandes sagas du XIXe siècle, non seulement les difficultés de l’entreprise familiale mais aussi la déchéance morale : le dernier rejeton, le petit Yosyp, est le fruit d’une liaison incestueuse de Tessa avec son frère, Kazimierz. La diversité des destins des membres de la famille permet d’observer à la fois l’histoire politique (insurrections, développement du nationalisme), économique (industrialisation, abolition du servage) et sociale (progrès de l’égalité) de la Galicie.

En recourant à une narratrice non humaine, mais anthropomorphisée, Diane Meur s’inscrit d’une manière originale dans le mouvement d’« istoricisation » (Bouju, 2014) du roman contemporain où les événements historiques sont habituellement racontés par un témoin (« istor », en grec ancien), narrateur homodiégétique. La perspective d’une maison-narratrice, située dans une petite localité provinciale, est plutôt celle de la micro que de la macro-histoire. Ce « témoin » non humain et immobile pendant la majeure partie de l’action évoque l’histoire d’un point de vue local, telle qu’elle a pu être vécue dans une petite ville fictive, Grynow (nom peut-être inspiré de celui de Grybów, référentiellement attesté), et dans ses environs, en Galicie, dans l’empire habsbourgeois. C’est cette focalisation de la narratrice sur l’histoire locale qui explique que ce soient les années 1768 et 1846-1848 qui soient le plus longuement évoquées. Ce sont en effet deux périodes charnières dans l’histoire de la région et de la famille des Zemka-Ponarski. La première correspond à une jacquerie dirigée à la fois contre la noblesse polonaise et les Juifs et à l’assassinat du comte Fryderyk Ponarski. La seconde est une révolution en même temps publique (jacquerie galicienne de 1846, Printemps des peuples) et privée (liaison de Clara avec Zygmunt Borowski, précepteur de ses filles ; participation de membres de la famille aux événements révolutionnaires et leur exil). L’auteure utilise toutefois son témoin non humain d’une manière souple qui lui permet de dépasser les contraintes imposées par sa position fixe dans l’espace.

L’outil majeur qu’elle convoque dans ce sens est le recours à des « informateurs » humains. Ce n’est pas la maison-narratrice mais ses occupants ou visiteurs qui deviennent les principaux relais de l’information historique dans le roman. Bien qu’une instance narrative « objectale » mène le récit, l’histoire s’y trouve « humanisée ». De nombreux personnages, en plus de leur rôle dans l’intrigue, remplissent justement cette fonction narrative d’« informateurs historiques ». L’un d’eux est Adam Zemka-Ponarski, le frère aîné de Jozef, qui prend part à l’insurrection de novembre 1830 contre les Russes et informe son cadet de son déroulement. La lecture de ses lettres donne lieu à l’évocation de leur contenu, des extraits en sont également insérés dans la narration. Un autre « informateur » est le précepteur des filles de Jozef et Clara, Zygmunt Borowski, car ses cours constituent un prétexte à l’évocation critique de l’histoire polonaise. C’est un personnage particulièrement utile comme relais du savoir historique. À titre d’exemple, il dicte à ses élèves cette phrase : « Ainsi leur quiétude et leur indolence sarmates berçaient les nobles polonais dans la trompeuse certitude que leur monde durerait toujours : plus terrible allait leur paraître, dès 1648, la succession de catastrophes politiques et militaires qui s’abattirent sur leur pays » (Meur, 2007 : 133-134). Grâce à ces leçons, des périodes bien antérieures à l’époque où se passe l’action du roman sont donc évoquées. Il en est de même lors des conversations de Wioletta avec Ludwik Wajnberg, chercheur à l’Université de Lvov, à propos de l’histoire de Jakob Frank et des frankistes. L’amplitude temporelle du récit est ainsi étendue. Qui plus est, en raison de ces humanisation et subjectivisation de la perspective, une dimension axiologique apparaît dans les évocations historiques : des jugements implacables sur les élites nobiliaires de l’ancienne Pologne ou sur Frank se trouvent énoncés. Ils ne sont pas le fait de la narratrice mais de ses informateurs. L’instance narrative se décharge donc d’une partie de ses prérogatives sur les personnages. Des acteurs humains, mobiles et disposant d’un savoir historique, assument, dans une certaine mesure, les fonctions explicative et idéologique dont il serait peu « naturel » de charger une narratrice non humaine et immobile. Les renseignements historiques sont donc habituellement donnés dans des passages à focalisation interne, des dialogues ou des fragments de documents cités (par exemple des lettres) et mis sur le compte d’un personnage (parmi les informateurs historiques, l’on pourrait encore citer Jean Zemka-Ponarski, le docteur Salomon Weinberg ou le prince Wladislaw Dubinski). Les protagonistes des Vivants et les Ombres possèdent ainsi non seulement une fonctionnalité diégétique, mais également narrative, et participent activement à l’insertion d’un contenu historique dans la narration.

À la fin du roman, l’auteure rompt avec la convention de la narratrice immobile et dépasse définitivement le cadre diégétique et historique local en recourant à un moyen encore plus spectaculaire : l’incarnation de l’instance narrative. Le basculement se produit au moment de la tentative de suicide de Tessa. Voici comment la narratrice relate ce moment :

Tessa, retourne-toi !
Elle m’a entendue. […] ses yeux se sont posés sur moi, et un flot d’émotion a gonflé sa poitrine : c’est qu’au même moment, de toutes les forces de mon être immatériel, je rompais mes amarres pour me ramasser tout entière dans son petit corps chaud.
Ah, quel choc ! Par ses yeux, pour la première fois de ma longue, longue vie, je viens de m’apercevoir […]
Et cette nouvelle vie au sein d’un corps humain ne ressemble à rien de ce que je connaissais […] Quelle merveille de me déplacer ainsi dans ce paysage naguère encore statique… (Meur, 2007 : 687-688).

L’anthropomorphisation de la narratrice arrive ici à son comble car celle-ci se trouve dotée d’une capacité d’agir ; elle prétend avoir empêché l’héroïne de mettre fin à ses jours. Après un va-et-vient constant entre les attributs humains et non humains, le dénouement apporte l’incarnation de la narratrice dans le personnage de Tessa. Loin d’être un artifice servant seulement à raconter l’émigration ratée de l’héroïne, qui épouse Danylo Pavlyk, un paysan ruthène, aux États-Unis, cette incarnation constitue l’aboutissement logique du processus d’humanisation de l’instance narrative. La frontière entre l’animé et l’inanimé, l’humain et le non-humain est ainsi définitivement abolie et la possibilité d’une interaction entre les deux, présupposée. La narratrice elle-même suggère une interprétation symbolique de cette incarnation lorsqu’elle pose cette série de questions : « Qui, parmi ces émigrants, ne traîne pas avec lui trente ancêtres, une terre, cent ou mille ans d’histoire ? Qui ne porte pas dans son corps quelque chose de très lourd et pourtant d’impalpable – quelque chose comme une maison ? » (Meur, 2007 : 701). Au-delà de son sens propre, le mot « maison » peut en effet désigner également les membres d’une famille, les personnes formant une lignée. La maison que Tessa porte en elle peut donc aussi renvoyer métaphoriquement à l’hérédité, aux ancêtres, à tout ce passé familial qui l’a façonnée. Incarnée en Tessa, la maison incarne à son tour toute la famille des Zemka-Ponarski dont l’héroïne porte en elle l’héritage. Elle symbolise l’esprit de cette famille. Adopter une telle interprétation, explicitement suggérée par le texte, équivaut à utiliser l’une des neuf stratégies de naturalisation du « non-naturel » théorisées par Jan Alber, à savoir la lecture allégorique (2016 : 52). De cette façon, la « non-naturalité » est « expliquée » symboliquement. Encore une fois, elle se trouve partiellement naturalisée.

Dans un roman historique, l’introduction d’une maison-narratrice est une façon non conventionnelle de faire apparaître une perspective à la fois testimoniale et proprement historique, c’est-à-dire dépassant celle d’une vie humaine individuelle. Un point de vue qui va au-delà de cette échelle humaine est en l’occurrence « naturellement » introduit à travers une narratrice dont la temporalité correspond à la longue durée, plus adaptée au roman historique dans sa variante sagaesque. Dans la mesure où « The unnatural proliferates in postmodernist narratives in particular » (Alber, 2016 : 5),17 il est possible de considérer un roman historique qui y recourt comme une variante postmoderne du genre. Le caractère « pseudo-homodiégétique » de la narratrice en fait aussi une construction typique de la littérature contemporaine où « The basic categories of […] narration or homo- and heterodiegesis […] are repeatedly problematized » (Richardson, 2006 : 13)18 ce dont la narratologie « non naturelle » permet de rendre compte. Le recours au récit « non naturel » inscrit également Les Vivants et les Ombres dans la tradition des lettres belges de langue française qui exploitent volontiers les motifs surnaturels (Bizek-Tatara, 2017). Nous pourrions aussi relier l’instance narrative non humaine du roman de Diane Meur à une tendance de fond de la culture contemporaine, liée au post-humanisme, compris comme remise en cause de la pensée anthropocentrique. Le point de vue humain sur le monde n’est plus le seul admis, et la multiplication de narrateurs « non naturels » est l’une des marques de ce changement de paradigme philosophique. L’introduction d’une narratrice « non naturelle », objectale, dans le roman historique marque l’infléchissement de certaines manifestations récentes du genre vers cette perspective post-humaniste. C’est pourquoi, on pourrait qualifier cette instance narrative de « posthuman narrators » ou « post-anthropomorphic narrators », en faisant appel à des termes proposés par Brian Richardson (2006 : 1, 3).19 Se servir de ce type de narratrice signifie, dans une certaine mesure, « déconventionnaliser » narrativement le roman historique. Le récit « non naturel » apparaît ainsi comme une force de renouvellement générique dont il faudrait bien sûr analyser plus systématiquement l’impact en s’appuyant sur de larges corpus. Mais son apparition dans le cadre d’un genre mimétique peut aussi nous amener à remettre en question certaines convictions exprimées par des représentants de la narratologie « non naturelle », ceux selon qui le non-naturel serait forcément anti-illusionniste (Alber, 2016 : 42). Le statut spécifique de la narratrice du roman de Diane Meur ne compromet pas nécessairement l’illusion réaliste dont sont porteurs d’autres éléments de l’œuvre (l’onomastique, la toponymie, la datation, les multiples renvois à des événements référentiellement attestés, etc.). Contre des conceptions absolutistes du « non-naturel », nous pourrions ainsi réaffirmer les pouvoirs de la fiction littéraire dans laquelle conventions mimétiques et procédés antimimétiques peuvent coexister en donnant naissance à des textes originaux qui renouvellent notre perception de genres traditionnels tels que le roman historique.

BIBLIOGRAPHIE

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2Les notions de « naturel » et « non-naturel » étant chargées idéologiquement et souvent contestées, nous les mettrons systématiquement entre guillemets ce que font aussi certains adeptes de la narratologie « non naturelle ».

3En plus du caractère relativement récent de sa production, le positionnement de l’auteure entre la Belgique et la France (elle est née à Bruxelles, mais vit actuellement à Paris) et la publication de la plupart de ses textes par une éditrice parisienne (Sabine Wespieser) ne sont peut-être pas étrangers à cette absence, dans la mesure où la critique littéraire universitaire reste toujours globalement régie par une logique nationale.

4Renvoyant aux acteurs de la diégèse.

5[impossibilités physiques, logiques et humaines, c’est-à-dire des phénomènes qui ne peuvent pas avoir lieu dans le monde réel] Sauf indication contraire dans la bibliographie, les traductions des citations des travaux non francophones sont de nous.

6[[l]’une des dichotomies fondamentales utilisées pour définir la nature humaine est la distinction entre objet et sujet. En tant que sujets, les humains sont fondamentalement différents des objets […]. Toutefois, les objets sont humanisés de diverses manières]

7[la non-naturalité d’un texte narratif est une question de degré et de niveau]

8[peuvent apparaître au niveau de l’histoire et/ou du discours]

9[narrateurs non humains]

10[la narration non humaine ne peut pas être réduite au non-naturel et à l’étrange car elle est prise dans une dialectique […] du familier et de l’étrange, de l’expérience humaine et non humaine]

11La notion d’« omnitemporalité » est due à Erich Auerbach (1968 : 539) et renvoie à une sorte d’ubiquité temporelle.

12[animer l’inanimé]

13Même les formes narratives les plus conventionnelles comportent donc des éléments « non naturels », tellement répandus que nous perdons leur « non-naturalité » de vue.

14La perspective de la narratologie « non naturelle » peut donc parfois permettre de dépasser les dichotomies narratologiques traditionnelles par l’introduction de catégories intermédiaires telles que « pseudo-homodiégétique » ou « pseudo-hétérodiégétique ». Prendre en compte des récits « non naturels » signifie aussi affiner nos outils analytiques forgés par la narratologie classique surtout à partir de l’analyse de récits « naturels ».

15La littérature belge francophone a ainsi fourni une évocation intéressante de la figure de Jakob Frank et du frankisme quelques années avant les monumentaux Livres de Jakób d’Olga Tokarczuk, prix Nobel 2018. Une analyse détaillée de cette dimension des Vivants et les Ombres reste à faire.

16[multiperspectivisme]

17[Le non-naturel prolifère particulièrement dans les récits postmodernes]

18[[l]es catégories de base de la narration […], de l’homo- et de l’hétérodiégèse […] sont constamment problématisées]

19[narrateurs post-humains, post-anthropomorphes]

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