Paria urbain : espace, mobilité et illusions

Urban outcast and the illusion of mobility

Gerard KEUBEUNG

Bowdoin College, USA

jgkeubeung[at]gmail.com

Impossibilia. Revista Internacional de Estudios Literarios. ISSN 2174-2464. No. 19 (mayo 2020). Monográfico. Páginas 51-71. Artículo recibido 30 septiembre 2019, aceptado 08 mayo 2020, publicado 30 mayo 2020







Résumé : Cet article se fixe pour objectif de démontrer que la mobilité a toujours été rendue difficile pour le sujet africain. Tandis que le colonisé était cantonné dans le quartier indigène où il lui était interdit de se mouvoir ou d’accéder comme il le souhaitait à l’espace du maître, le sujet postcolonial qui vit dans ce qu’on appelle le village planétaire est confiné chez lui par les lois sur l’immigration. A partir du roman Le vieux nègre et la médaille de Ferdinand Oyono (2005) et du film documentaire Clandestins : ils traversent l’enfer pour venir vivre en France (Comiti et alii, 2013), nous tenterons de montrer comment la colonisation a conditionné le sujet africain à migrer vers l’espace métropolitain, un illusoire eldorado. En prenant en compte les modalités de déploiement des personnages fictifs et réels, nous montrerons qu’un syndrome colonial affecte la gestion de l’espace dans le monde globalisé où l’Africain n’est pas toujours le bienvenu.

Mots-clés : paria urbain, colonisé, immigration, espace, sujet postcolonial africain

Abstract: This article aims to demonstrate that mobility has always been made difficult for the African. While the colonized was confined in slums where he was forbidden to access as he wished to the colonizer’s space, the movement of the postcolonial African who lives in so-called globalized world is restricted by immigration laws. Based on Ferdinand Oyono’s Le vieux nègre et la médaille (2005) and the documentary entitled Clandestins: ils traversent l’enfer pour venir vivre en France (Comiti et alii, 2013), we will analyze how colonization make the African to believe that France is a paradise where people can find happiness and wealth. The trajectory of both fictional and real characters will help to show that a colonial syndrome affects the management of space in the globalized world where the African is not always welcome.

Keywords: urban outcast, colonized, immigration, space, postcolonial African

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Introduction

Dans une étude intitulée « De Ville cruelle de Mongo Beti à Texaco de Patrick Chamoiseau : fortification, ethnicité et globalisation dans la ville postcoloniale » (Kemedjio, 2001), Cilas Kemedjio soutient que la dichotomie spatiale et sociale de la ville coloniale informe tout regard qu’il pose sur la ville postcoloniale. La ville cruelle de Mongo Beti reflète les caractéristiques de la ville coloniale décrite par Frantz Fanon dans son essai Les damnés de la terre. D’un côté la partie européenne, prospère, où se trouvent les bâtiments administratifs et les commerces. De l’autre côté la partie indigène, faite de cases et plongée dans une grande misère. La formule de Mongo Beti, « Deux Tanga… deux mondes… deux destins » (Beti, apud Kemedjio, 2001 : 136), au-delà de la description qu’elle fait de la ville coloniale, peut permettre de décrire le monde contemporain dit globalisé qui est constitué de pays qui ont peu en commun. L’édification des frontières symboliques, juridiques et matérielles entre les pays riches ou dits développés et les pays pauvres ou sous-développés démentent l’idée selon laquelle le monde serait devenu un village planétaire. Au contraire, on observe l’émergence de deux sortes d’espace : les ghettos pour riches et pour les ghettos pauvres. Passer d’un espace à l’autre devient un chemin de croix auquel se soumettent parfois certaines populations. C’est le cas des personnages du documentaire produit par la chaîne de télévision française M6, réalisé par Camille Courcy, Olivier Azpitarte, Paul Comiti et Renaud Fessaguet, intitulé Clandestins : ils traversent l’enfer pour venir vivre en France (2013). Notre étude prétend montrer que la détermination et les risques encourus par les personnages réels de ce documentaire peuvent être analysés au miroir de la trajectoire des personnages de Le vieux nègre et la médaille de l’écrivain Camerounais Ferdinand Oyono (2005). L’architecture de la ville coloniale expose l’impossibilité pour le colonisé d’accéder à l’espace du maître. Tenir le colonisé en dehors de cet espace où se trouvent les opportunités d’emploi revient à l’exclure de ce que Jacques Rancière (2000) appelle le « partage du sensible », c’est-à-dire, les fruits de la modernité postcoloniale. Autrement, c’est le priver de ce qui peut lui rendre la vie facile à vivre. Les concepts de « ville impossible » et de « syndrome de la citadelle » que Kemedjio (2001) utilise pour décrire la ville coloniale, sont utilisables à l’échelle de l’espace mondial. Au lendemain de la colonisation, le sujet africain n’a toujours pas gagné son droit d’accès à l’espace urbain. Dans un chassé-croisé entre le sujet postcolonial qui veut regagner la France pour y réaliser ses rêves de vie, comme c’est le cas pour les personnages du documentaire, et les autorités françaises qui n’entendent pas accueillir, et ce malgré les Droits de l’Homme toute la misère du monde,1 transparaissent de nombreux faits : tout d’abord, l’entreprise coloniale et ses avatars ont conditionné le sujet africain à considérer la métropole comme un eldorado. Ensuite, pour celui-ci, la mobilité a toujours été rendu difficile. Les grandes grilles symboliques et matérielles qui empêchent les personnages du documentaire d’accéder à Paris ou encore les lois sur l’immigration trouvent leurs équivalences au sein des colonies françaises en Afrique. À partir des modalités de déploiement des personnages fictifs et réels, nous montrerons qu’un syndrome colonial affecte la gestion de l’espace dans le monde globalisé où l’Africain n’est pas toujours le bienvenu. De manière pratique, notre objectif n’est pas d’interroger la relation qui existerait entre le réel et la fiction. Nous choisissons d’adjoindre un corpus réel à un corpus fictif pour montrer l’ampleur de la déstructuration mentale et sociétale de l’Africain. L’imaginaire de l’Africain et son quotidien sont pris en otage par le désir et l’impossibilité de s’échapper de son cadre de vie. Le principe de la référentialité cher à la géocritique nous sera d’une grande utilité en ce qu’il envisage une complémentarité entre le discours sur le monde et le discours fictionnel.

Fétichisation de l’occident et naïveté de l’africain en colonie

Le vieux nègre et la médaille fait partie des classiques de la littérature africaine francophone. Ce roman raconte les déboires de Meka, vieux paysan à qui le pouvoir colonial a promis une médaille pour service rendu à la France. Cette marque d’amitié (ré)compense le « don » par Meka de ses terres aux autorités coloniales et à la mission catholique pour bâtir leurs locaux. En plus, deux de ses fils sont morts durant la seconde guerre mondiale pour la France. Toutefois, le traitement infligé à Meka lors de la cérémonie de son couronnement par les autorités coloniales est déshumanisant, humiliant, ce qui permet au terme du roman une prise de conscience du personnage sur sa condition au sein de l’empire colonial français. En fait, la suite de la cérémonie est un véritable cauchemar pour le récipiendaire. Aussitôt qu’il l’a reçue, Meka perdra la médaille. Il sera incarcéré et retournera le lendemain de son jour de gloire plus malheureux que jamais, désillusionné sur le sens de l’amitié que lui portent les autorités coloniales et le curé de la mission catholique. La conclusion de Meka est celle à laquelle aboutissent tous les personnages de Ferdinand Oyono. Olusola Oke inscrit la trilogie romanesque du romancier camerounais dans une quête d’Europe. Dans Le vieux nègre et la médaille, Une vie de boy et Chemin d’Europe, « the quest for Europe leads to emotional and psychological maturity : the naïve and innocent heroes are transformed and become cynical and racially conscious. They undertake a reassessement of their relationship with the colonizers » (Olusola, 1977 : 131). Le documentaire Clandestins : ils traversent l’enfer pour venir vivre en France décrit pour sa part le voyage de migrants clandestins en partance pour la France. Dans ce documentaire, les reporters ont suivi pendant de longues années les clandestins originaires d’Afghanistan et d’Afrique qui, pour atteindre la France, s’exposent à mille dangers. Toutefois, nous avons décidé pour le besoin de cette étude de nous appesantir uniquement sur le parcours des trois jeunes Africains, originaires du Cameroun. Au cours de l’odyssée qui les mènent de leur pays à Paris, ces jeunes adultes traversent de nombreux pays africains et atteignent la Lybie post-Kadhafi en pleine guerre civile. De ce pays pris en otage par les chefs de guerre, ces jeunes aventuriers traversent la Méditerranée en pirogue pour atteindre le continent européen et Paris, centre de toutes les attractions. Cependant, les jeunes Africains sont désillusionnés par ce qu’ils découvrent au « paradis du nord ». Tout comme Meka et l’ensemble des personnages du roman d’Oyono, les migrants dont les tribulations sont décrites dans le documentaire sont motivés dans leur mobilité par le désir d’accéder à des espaces qui leur sont interdits. S’ils accèdent à l’espace de leur désir ou aux positions auxquelles ils aspirent, ils n’y rencontrent que déception et désillusion. Parler de mobilité implique la prise en compte des espaces de vie respectifs. Pour Florence Paravy,

si l’espace « réel » est en soi une construction signifiante, tout discours sur l’espace, notamment le discours littéraire est donc construction signifiante au second degré, qui informe, trie, et hiérarchise le matériau préconstruit offert par le « réel ». Il apparaît donc légitimement comme un champ privilégié de signification psychologiques, sociologiques, esthétiques ou philosophiques (Paravy, 1999 : 9).

Partant de ce postulat, la division spatiale qui s’opère dans le roman de Ferdinand Oyono et qui expose le désir des uns de migrer vers l’univers des autres, renseigne sur les conditions de vie, les statuts sociaux et même sur la place de l’être des uns et des autres dans le monde. Tandis que le quartier européen est le lieu de vie de l’autorité coloniale avec ses édifices majestueux, son centre commercial et ses belles bâtisses, le quartier indigène est le lieu infâme où vivent confinés les indigènes. « C’est l’espace du pauvre, des laissés pour compte et de la marginalité […] ce sont des lieux d’errance de déracinement, d’impuissance ou de corruption, lieux du manque aussi, de la pénurie économique comme de l’absence de sens, de perspective, d’espoir » (Paravy : 1999 : 175). Cette définition de Florence Paravy s’applique à la fois à l’espace fictif colonial du roman de Ferdinand Oyono et à l’espace des personnages réels du documentaire Clandestins : ils traversent l’enfer pour venir vivre en France. Cette description présente également la ville impossible de Kemedjio comprise ici comme l’incapacité pour l’indigène d’accéder à un espace urbain dépourvu des vestiges coloniaux. Les conditions de vie précaires et la pauvreté incitent les personnages à déserter le quartier indigène en contexte colonial et la ville postcoloniale que Kemedjio situe « à l’intersection de la ville globale, de la ville personnalisée et de la ville comme agent de dépossession identitaire et économique » (2001 : 139).

Meka, le personnage principal de Le vieux nègre et la médaille vit dans un milieu abject. Outre la promiscuité qui caractérise son milieu de vie, les conditions d’hygiène sont déplorables. Il ne dispose pas de sanitaire. Ce qui l’oblige à déféquer en plein air et le plus souvent non loin de sa case comme le témoigne ce passage du roman :

pour ce que tu vas faire tout à l’heure, lui dit sa femme, tu devras aller un peu plus loin. Ça sent déjà jusqu’ici… Meka se dirigea derrière la case. Il contourna un tas d’immondices puis pénétra dans un buisson, et s’accroupit. À proximité, une truie attendait impatiemment qu’il eut fini (Oyono, 2005 : 10).

Le quartier indigène dans son ensemble est à l’image de la demeure de Meka, et les populations vivent les mêmes réalités. Pour le narrateur, on accède au quartier indigène « en dévalant un talus et la piste serpentait ensuite à travers un bosquet de palétuviers, vestige de l’ancien marécage » (2005 : 136). Dans cet espace entouré par la forêt, la prostitution et l’alcoolisme sont le lot quotidien des populations. Cet espace colonial désolé fait écho au Cameroun postcolonial des personnages du documentaire. En effet, Émile, Elie et Joseph décrivent leur pays comme un espace où la population survit avec moins d’un euro par jour. De plus, les opportunités d’emploi sont inexistantes et l’avenir bien sombre pour une jeunesse engluée dans la criminalité. Quand Émile quitte son pays à l’âge de 16 ans, il laisse derrière lui un endroit où il n’est pas libre de s’exprimer et où, dit-il, l’humain n’est pas considéré comme tel. Il ne prend qu’un repas par jour, lorsqu’il a de la chance. Quant à Élie, la situation n’est guère différente. Le quartier indigène de Meka et le Cameroun qu’abandonnent Élie, Émile et Joseph du fait de leurs caractéristiques respectives, agissent comme des éléments incitant les personnages à vouloir migrer vers l’espace européen.

Précarité, répression et confinement en (post)colonie

Toute entreprise migratoire cache parfois une insatisfaction, un mal-être et une envie de trouver ailleurs une terre de quiétude. Les personnages de notre corpus n’échappent pas à cette logique. Seulement, et cette précision est importante en ce qu’elle est le socle sur lequel s’appuie notre étude : l’entreprise coloniale a conditionné le sujet africain à voir la métropole comme un univers de rêve ; d’où son obsession à y migrer. Dès les premières pages du roman de Ferdinand Oyono, on note une fétichisation du colon et de tout ce qui appartient à son monde.2 Cette fétichisation s’accompagne bien évidemment d’un dénigrement de tout ce qui est africain. Cela s’illustre d’abord par la situation en aval du quartier africain par rapport à la ville européenne. Et le narrateur, qui exprime cet antagonisme topographique signale à travers le déplacement de Meka que celui-ci « poussa un soupir quand la piste déboucha sur le quartier indigène. Dominant ce dernier, la ville des Blancs, bâtie sur la colline limitrophe, était en vue » (Oyono, 2005 : 12). L’effort que le protagoniste d’Oyono déploie afin de s’extraire de son milieu de vie contraste avec le soulagement qu’il exprime à la vue de la ville européenne qui est perchée, telle une citadelle, au sommet de la colline. Situé en aval, le quartier indigène se présente comme le dépotoir des déchets et des encombrements qui viennent de la ville européenne. Autrement, le quartier européen est le centre de toutes les attractions. Il est visible de très loin et, tous les regards et toutes les convoitises convergent vers ce lieu où les masses déshéritées peuvent avoir un travail. C’est également ce lieu qui symbolise le commandement qui exerce sa force répressive sur les indigènes. La question du commandement revient ici à s’interroger sur

la conduite des hommes et de la façon dont elle est régie dans un cadre et avec des instruments étatiques, c’est non seulement s’intéresser à ce qui constitue la force et la raison de l’État, mais aussi s’interroger sur les formes du pouvoir, ses manifestations, les différentes techniques qu’il utilise pour augmenter sa valeur, répartir le produit du travail, assurer l’abondance ou gérer l’indigence et la rareté (Mbembe, 2000 : 41).

Il s’avère qu’en colonie, la force du commandement s’exerce à travers le régime de l’état d’exception permanent, c’est-à-dire que force est donnée à la police coloniale, autorité judiciaire chargée de faire respecter la loi, qui use et abuse de cet instrument sur la personne de l’indigène déshumanisé. Sur un plan religieux, une analogie peut être faite entre la ville européenne et le royaume des cieux. Car, de même que le royaume divin domine la terre des Hommes du fait de sa position, la ville européenne surplombe le quartier indigène. La topographie de l’espace colonial peut également s’appliquer dans le documentaire de notre corpus. Tout d’abord, la géopolitique mondiale divise le monde en deux parties et use pour les désigner de la terminologie suivante : les pays du Nord et ceux du Sud. Le parallèle colonial permet d’assimiler la ville européenne perchée sur une colline aux pays du Nord, lieu de convergence de toutes les migrations. C’est cette citadelle que les migrants du documentaire veulent prendre d’assaut. Pour cela et à l’exemple de Meka qui soupire lorsqu’il sort de son ghetto, les migrants doivent franchir le désert libyen, la Méditerranée et les barrières policières. La topographie place la ville européenne dans la position du panoptique de Bentham dont Michel Foucault décrit la figure architecturale comme il suit :

À la périphérie un bâtiment en anneau ; au centre, une tour ; celle-ci est percée de larges fenêtres qui ouvrent sur la face intérieure de l’anneau ; le bâtiment périphérique est divisé en cellules, dont chacune traverse toute l’épaisseur du bâtiment ; elles ont deux fenêtres, l’une vers l’intérieur, correspondant aux fenêtres de la tour ; l’autre, donnant sur l’extérieur, permet à la lumière de traverser la cellule de part en part. Il suffit alors de placer un surveillant dans la tour centrale, et dans chaque cellule d’enfermer un fou, un malade, un condamné, un ouvrier ou un écolier (Foucault, 1975 : 233).

En amont, les autorités françaises, coloniales et contemporaines surveillent les populations africaines, décident du nombre qu’ils veulent bien accueillir ou libérer du milieu carcéral postcolonial. La ville coloniale et l’espace postcolonial deviennent ce bâtiment périphérique, ces cellules que domine la tour centrale. Meka, ses congénères et la grande masse de populations qui peuplent les États postcoloniaux, apparaissent comme des pestiférés, des lépreux qu’il faut surveiller, tenir à distance des corps purs et punir au besoin. Car, comme le pestiféré qui décide de s’extraire de sa maison où il est assigné à résidence et sans l’autorisation de l’indic ou de l’intendant, l’indigène et le postcolonial sont sévèrement punis lorsqu’ils enfreignent la règle en franchissant sans l’accord du maître la barrière entre les deux mondes. Les clandestins qui trouvent la mort au cours des traversées dans des bateaux de fortune sont l’illustration même de cette subversion de la norme établie et qui consiste à préserver la citadelle occidentale des impuretés qui ont leur nid dans la ville coloniale chez Ferdinand Oyono comme en Afrique subsaharienne dans le documentaire.

L’espace romanesque et l’univers réel du documentaire partagent des similarités. La prostitution fait partie des pratiques principales des personnages féminins. Quant aux personnages masculins, ils passent le clair de leur temps à boire. La précarité est la cause première du départ des personnages du documentaire vers l’espace où vivent les Occidentaux. C’est aussi la recherche d’un travail rémunéré qui fait venir les indigènes du roman de Ferdinand Oyono dans l’espace de vie du Blanc. Toutefois, de nombreuses trajectoires existent dans la littérature de l’immigration africaine. Les premiers romanciers ont focalisé sur la figure de l’étudiant noir. Des romans comme Kocoumbo, l’étudiant noir, de Gérard Aké Loba (1960) ou encore L’aventure ambiguë, de Cheikh Hamidou Kane (1961) font figures de pionniers dans cette catégorie. Dans Un nègre à Paris de Bernard Dadié (1959), on découvre un personnage fasciné par la ville parisienne. Avec la génération des écrivains des années 1980, apparaît la figure de l’immigré clandestin, une catégorie à laquelle appartiennent les personnages du documentaire. Alain Mabanckou décrit dans Bleu blanc rouge (1998) le milieu de vie des Africains immigrés qui, au contraire de Kocoumbo et de Samba Diallo, préfèrent entretenir l’illusion du paradis parisien. Pour Nathalie Philippe, le romancier Franco-Congolais

posait avec ce texte aux accents de roman d’apprentissage, entre gravité et burlesque, les fondements de la difficile condition des immigrés africains en France et expliquait leurs motivations, par-delà les critères économiques et politiques, à venir s’installer à Paris, cité magnifiée et mystifiée (Philippe, 2012 : 36).

Tout comme Massala-Massala chez Mabanckou, Élie, Émile et Joseph, les personnages du documentaire sont autant fascinés par Paris qu’ils sont désireux de trouver ailleurs de nouvelles opportunités. Elie, un ancien footballeur, explique qu’il a décidé de faire le voyage en réaction aux moqueries des membres de sa famille qui voyaient en lui un raté, un bon à rien. Les conditions de leur séjour dans un centre de rétention des migrants sur l’île sicilienne sont très difficiles. La précarité et le désœuvrement transforment vite les migrants qui y sont enfermés en prostitué(e)s et en criminel(le)s. Dans ce centre, la tenancière de l’épicerie, où les migrants Camerounais se retrouvent pour passer le temps en soirée, dit avoir choisi cette activité par refus de se prostituer. Cette femme ressemble au personnage de Mami Titi dans Le vieux nègre et la médaille. Alors qu’ils auraient pu y attendre la décision des autorités soit de leur octroyer un titre de séjour soit de les renvoyer dans leur pays, Émile, Elie et Joseph décident de s’enfuir de ce camp, de continuer leur montée vers la citadelle parisienne par peur de sombrer dans la criminalité qui caractérise ce milieu où les migrants sont prisonniers.

D’un espace à l’autre : le pari impossible du Sisyphe africain

Le parcours qu’effectue Meka pour obtenir la médaille et le déploiement des personnages dévoile davantage l’attrait pour le colon et pour tout ce qui est relatif à son mode de vie et à son monde. Lorsque le commandant du cercle européen annonce à Meka la décision de le décorer tout en lui témoignant sa gratitude pour l’amitié qu’il leur a fait en envoyant ses deux fils combattre les nazis, celui-ci demande à l’interprète de « répondre au commandant que moi j’étais bien content d’être l’ami des Blancs » (Oyono, 2005 : 26). Si le protagoniste d’Oyono est tout honoré d’être l’ami des Blancs comme il le dit, les membres de sa famille le sont doublement. C’est le cas de son beau-frère Engamba. En effet, une fois que la nouvelle de la décoration de l’époux de sa sœur est connue, la demeure d’Engamba est prise d’assaut par une foule de voisins qui le regardent avec envie et respect. C’est ce dernier en personne qui renseigne sur les avantages que requiert la proximité avec les Blancs dans l’univers colonial en faisant allusion à Meka : « les corvées et tous les autres embêtements, tout ça c’est fini pour lui » (2005 : 42). Quant à Kelara, l’épouse de Meka, « maintenant que son mari va recevoir une médaille, elle deviendra une femme blanche » (42). Et Engamba de continuer que pour ceux qui ont une quelconque relation avec lui, le beau-frère de Meka, il leur suffira de dire devant n’importe quelle autorité « je suis l’ami de l’ami du beau-frère de Meka » pour que toutes les portes leur soient ouvertes (42). Cette situation, quoique caricaturale, dénote de la valeur que confère au sujet africain une quelconque accointance avec le colon ou tout ce qui se rapproche de ce dernier. Cela évoque tout aussi l’attrait de l’Occident sur le sujet colonial africain. Une situation qui au fil du temps n’a fait que s’accroître. La joie des proches de Meka du fait de la proximité qu’ils ont avec le Blanc est semblable à celui que les parents des immigrés du documentaire ressentent. Pour ces derniers, avoir sa personne de l’autre côté de la Méditerranée est avant tout un signe de réussite.

Le narrateur de Le vieux nègre et la médaille décrit des personnages pour qui l’ultime accomplissement est de s’identifier au colon français. Meka qui est privilégié parce qu’il va recevoir une médaille n’hésite pas à vouloir se confectionner un vêtement digne de cette proximité avec le maître colonial. Le couturier chez qui il se rend promet de lui coudre une veste à la mode, une des meilleures créations, dont la photo apparaît dans les catalogues qu’il reçoit de Paris. Cette veste que Meka sera le premier à porter, comme le lui dit le couturier, remplit d’orgueil le vieil Africain. La veste de Meka, « C’est une nouvelle mode […] après les vestes De Gaulle » (85). De plus, « tout était De Gaulle comme tout était maintenant Zazou. Le portrait du Général était dans toutes les cases. Il y avait des De Gaulle garçons » (68). La valeur accordée à tout ce qui appartient au monde français dans le roman d’Oyono est un socle sur lequel s’est bâti l’entreprise migratoire postcoloniale. On n’omettra pas d’évoquer le travail accompli par l’école coloniale dans la divulgation des valeurs occidentales aux Africains au mépris des réalités locales. Mais à bien y penser, la colonisation semble avoir instillé chez l’Africain cette capacité à s’auto-rejeter et à valoriser la culture de l’oppresseur.

Pourtant et en dépit de cet attrait, les Africains n’auront jamais une place au sein de la citadelle coloniale. Autrement dit, ils y seront toujours considérés comme des parias. Leurs efforts seront semblables à la tâche de Sisyphe. La tentative de Meka d’accéder au rang d’ami de l’Homme blanc échouera, l’accession des immigrés à l’espace européen reste une tâche vaine pour le sujet postcolonial que Frida Ekotto définit comme un « faux sujet global en perpétuel périple, et cela pour deux raisons : l’Histoire coloniale et la précarité des conditions économiques dans lesquelles il évolue en Afrique » (Ekotto, 2009 : 185). Au-delà de la personne de l’immigré, le segment du titre du documentaire, « Ils traversent l’enfer pour aller vivre en France », résume la difficile entreprise pour le sujet Africain d’accéder au monde occidental. Tandis que Elie, Émile et Joseph entreprennent la traversée du désert libyen et de la Méditerranée pour arriver à Paris, Meka et ses congénères luttent pour se faire accepter par le Blanc comme leur ami. Les deux mouvements sont jalonnés de nombreux écueils au terme desquels, désillusionnés et déçus, les protagonistes découvrent la triste réalité de l’altérité qui régit les relations entre eux, les Africains et les Français. Si le documentaire débute lorsque les immigrés Camerounais, après avoir quitté leur pays depuis trois ans, se retrouvent en terre libyenne, les journalistes qui suivent leur parcours n’omettent pas de signaler que le chemin parcouru a été plein de difficultés. Ces derniers ont subi à la fois la torture des passeurs et de la rudesse des intempéries. A Mourzouq, ville libyenne, où ils ont marqué une halte pour se réapprovisionner financièrement, les trois Camerounais vivent leur marginalité dans la douleur, avec la forte conviction qu’au terme de leur périple, les portes du paradis leur seront ouvertes. Ils exercent de petits métiers, subissent de graves injustices et humiliations. Émile affirme qu’ils ont travaillé sur de nombreux chantiers de construction et n’ont pas été payé une fois la tâche accomplie. Plutôt que de leur verser le salaire convenu, les employeurs libyens ont menacé de les exécuter à l’aide de leurs kalachnikovs. En fait, la Lybie qu’ils traversent est un pays désintégré et tenu par des chefs de guerre qui ont imposé leur autorité à la suite du chaos causé par la chute du colonel Kadhafi. Cette situation favorise une insécurité grandissante et permet l’afflux de nombreux migrants venus des pays subsahariens pour tenter de ce côté la traversée de la Méditerranée. Les immigrés qui voyagent avec les journalistes traversent sans heurts la première étape libyenne qui va de la ville de Mourzouq à Sebha. Cette étape leur coûte à chacun environ cinq cent euros, des frais dont ils s’acquittent avec de l’argent gagné dans les chantiers de construction en terre libyenne. A partir de Sebha, la situation est toute autre. Non seulement le passeur qui devrait les amener de Sebha à Tripoli n’est pas là, mais en plus, ils doivent passer la nuit dans une case qui ne dispose pas de chauffage en plein désert. En plus, le propriétaire leur impose un salaire dérisoire et non négociable pour construire un mur en compensation au logement qu’ils occupent. C’est là le début d’un traitement inhumain qui continuera lorsqu’enfin Émile, Elie et Joseph trouvent un passeur qui les conduit jusqu’à Tripoli. Les Camerounais décrivent des conditions de voyage atroces. À la rudesse du climat s’ajoutent les traitements qu’ils subissent de la part des passeurs libyens. Ces derniers les frappent, leur imposent de longues marches sans se soucier de leur condition physique. Plus triste encore et en dépit des fortes sommes d’argent qu’ils ont déboursées, les immigrés sont dépouillés de leurs ressources financières et matérielles. Lorsqu’ils arrivent enfin à Tripoli, ils apparaissent décharnés, amaigris et épuisés. Ultime arrêt avant la traversée de la Méditerranée, l’étape de Tripoli leur est nécessaire en ce qu’elle leur permet une fois de plus de chercher de quoi payer le reste du trajet qui les mène vers le paradis parisien. La traversée qu’ils effectuent six mois plus tard est semblable, comme le précise le journaliste, à celle qu’ont fait leurs ancêtres bien des siècles auparavant. L’embarcation à bord de laquelle ils prennent place n’est guère adaptée au voyage. Elle est rudimentaire et expose ses occupants aux intempéries. Prévu pour transporter au maximum une quarantaine de personnes, cette pirogue contiendra près de cinq cent voyageurs clandestins, hommes, femmes et enfants. Durant les neuf heures de traversée qui les mènent à l’Ile de Lampedusa, les migrants n’ont droit qu’à une maigre ration de pain qu’Émile affirme n’avoir pas mangé. Car, dit-il, dans la cale où les immigrés sont enfermés, la chaleur est étouffante et les odeurs de vomissures, nauséabondes. Ce déplacement clandestin des Africains du fait de la mondialisation illustre que le sujet postcolonial africain n’est ni d’ici ni d’ailleurs. Il vit dans un passé qui ne passe pas, en ce sens que son expérience n’est pas très différente de celle que ses ancêtres ont vécue, que ce fut au cours de la période de l’esclavage ou au cours de la colonisation, comme c’est le cas de Meka. Dans son pays d’origine, il ne peut profiter des fruits de la mondialisation. Il ne peut non plus aller ailleurs en jouir. Il devient non seulement un paria, mais un apatride en ce qu’il ne bénéficie nulle part des Droits de Citoyen. Partant de cette situation, les personnages du roman et du documentaire partagent un destin similaire.

De la désillusion à la prise de conscience de l’être africain face au monde

Le mouvement qu’entreprennent Meka et les personnages de Le vieux nègre et la médaille est tout aussi parsemé d’embuches que celui des immigrés du documentaire. Vivant sous le régime de l’indigénat, Meka et ses compatriotes ne bénéficient plus des mêmes droits. Leur statut d’indigène fait d’eux des citoyens de seconde zone ou des sujets. Le processus d’attribution de la médaille à Meka est lui-même comparable au mouvement migratoire de Joseph, Elie et Émile. Ce processus est fait de spoliation et d’humiliation. Tout d’abord, Meka a été spolié de toutes ses terres et a perdu ses fils dans une guerre dans laquelle il n’avait rien à gagner. La cérémonie d’attribution de la médaille qui symbolise l’accession à la citadelle française est elle-même un véritable calvaire. Pour indiquer le fossé qui sépare le monde des colonisés et celui des maîtres blancs, le narrateur signale que « Meka se tenait immobile dans le cercle dessiné à la chaux où on l’avait placé pour attendre l’arrivée du chef des Blancs » (Oyono, 2005 : 95), tandis que les récipiendaires français attendaient à l’abri du soleil. Situation bien délicate et humiliante pour une personne de son âge et attitude étrange de la part de ceux qui se disent être ses amis. « Meka regarda timidement autour de lui comme un animal qui se sait observé. Il se fit violence pour résister à l’envie de passer sa paume sur son visage pour essuyer la sueur qui perlait sur le bout de son nez. Il réalisa qu’il était dans une situation étrange » (2005 : 95). Au cours de cette cérémonie, le protagoniste de Le vieux nègre et la médaille commence à prendre conscience de la distance qui sépare le colonisé qu’il est de l’Homme Blanc. La tragédie de Meka dans le cercle de chaux résume la situation de l’immigré qui parvient tant bien que mal à se retrouver en France.

L’entrée de Meka dans le cercle de chaux en colonie fait écho dans le documentaire à l’entrée par effraction de Joseph, Émile et Elie dans l’univers français. Non seulement ils n’y sont pas les bienvenus, mais ils sont parvenus à y faire irruption malgré les obstacles. La réalité qu’ils y découvrent est bien autre que celle qu’ils espéraient. Dans la cour, au milieu d’autres récipiendaires européens, Meka, qui croyaient que sa décoration faciliterait ou favoriserait son entrée dans le monde très fermé des colons français, est bien vite renseigné par l’attitude de ces derniers à son égard. Alors qu’il s’est décidé à demander un fusil au grand chef des Blancs venu le décorer, Meka est rabroué par l’adjoint de celui-ci en ces termes : « L’adjoint le foudroya du regard. Meka remua les lèvres, fit un pas en avant. L’adjoint, d’un geste impérieux, lui fit signe de reculer. Meka ressentit un grand battement dans ses pieds, il se passa la paume sur le visage » (105). Pourtant, il n’est pas au bout de ses surprises. Le narrateur décrit une autre scène mettant en lumière le désarroi de Meka au milieu de ses « amis » Blancs. À la fin de la cérémonie des décorations,

Meka ne savait à qui s’adresser pour demander quand on allait se rendre au foyer africain. Il alla tapoter l’épaule du père Vandermayer, qui le fusilla du regard tout en l’écartant d’un mouvement violent du revers de la main. Meka, complètement abasourdi, porta sa main au menton en ouvrant la bouche comme un poisson (107-108).

Ces deux faits, ajouté à sa médaille qui n’est pas du tout comme celle des autres Blancs, finit par désillusionner Meka. Il ne se fait plus d’illusions sur ce qu’il représente aux yeux du colon. Le message de fraternité et d’égalité que prononce le chef des Blancs lors de la cérémonie des décorations, ajouté au message chrétien que le père Vandermayer prêche chaque matin dans sa chapelle, ne sont que de vains slogans. Le sentiment de duplicité de l’Occidental est également perçu par Émile, Elie et Joseph au cours de leur avancée vers Paris. Le camp où ils logent à Lampedusa ne respecte aucune condition d’hygiène et de salubrité. Construit par les autorités italiennes pour deux cent cinquante personnes, le journaliste affirme que plus d’un millier de migrants y sont admis, certains d’entre eux dorment dehors, sous les arbres. La situation est similaire dans le camp sicilien où les trois camerounais sont recasés à la veille de la visite du pape François sur l’île de Lampedusa. Ce dernier espace dans lequel ils dorment, précise le journaliste, est un ancien camp militaire de l’armée américaine. Les conditions de vie dans ces camps de rétention incitent les migrants à s’interroger sur le respect des Droits de l’Homme que prêche l’Occident.

À l’enthousiasme qui envahit Émile, Elie et Joseph à leur arrivée à Paris succède vite le désenchantement. La vue des échoppes et de la beauté lumineuse des enseignes parisiennes confirme bien qu’ils ont atteint le paradis pour lequel ils ont tout misé. Pourtant, il se pose très vite le problème de l’hébergement. À leur arrivée, Elie et Joseph ont des amis qui acceptent de leur trouver un logis pour la nuit, Émile quant à lui est abandonné par les siens. Personne ne veut le recevoir chez lui. Au terme du tournage, les journalistes affirment que tous les trois Camerounais étaient sans domiciles fixes. Clandestins sur le sol français, ils sont des parias dans leur cercle d’amis. En fait, aucun de leurs amis ne veut courir le risque de s’attirer les foudres de la loi qui punit quiconque héberge un immigré sans papiers. Sans papiers, les immigrés sont contraints à une errance sans fin et à une vie misérable. Ils doivent être à chaque instant sur le qui-vive de peur d’être appréhendé par les forces de l’ordre qui les expulseront vers leur pays d’origine après un passage dans les centres de rétention qui sont de véritables prisons. C’est ce qui arrive à Meka le soir de sa décoration par le grand chef des Blancs. Lorsque les agents de police demandent aux indigènes de quitter la salle des fêtes où se déroulait la grande réception offerte en ce soir de la fête nationale française, Meka, ivre, est endormi et dans la précipitation, aucun voisin ne pense à le réveiller. Il est donc surpris par les eaux de la pluie torrentielle qui s’abat sur le quartier européen cette nuit-là et qui finit par emporter le toit de la case. Cherchant sa voie dans les eaux qui ont inondé cette partie de la ville, il est repéré par les agents de la police coloniale qui le molestent et l’enferment dans une cellule. Le malheur de Meka est de n’avoir pas de papiers avec lui en pleine nuit dans le quartier des Blancs. Tout comme c’est le cas pour les personnages réels du documentaire, les papiers sont pour les colonisés un passeport pour accéder à l’espace du maître colonial. Sans eux, on reste à la marge de leur société. On est un paria.

Conclusion

Le sujet africain, qu’il soit colonial ou postcolonial, apparaît donc comme un éternel marginal. Il ne peut s’épanouir ni chez lui ni ailleurs. Il est obligé de vivoter dans la précarité, et dans une pauvreté indescriptible. Et à ceux qui pensaient que la mondialisation améliorerait les conditions de vie de ces damnés de la terre, elle a plutôt contribué à faire du sujet africain postcolonial un éternel Sisyphe, tenté par l’aventure de l’immigration sur les chemins d’Europe, les ramenant en Afrique dans des charters. Et pour des naïfs qui comme Meka croyaient encore à l’amitié des colons envers les indigènes, il apparaît au grand jour la duplicité de ces discours vains. Le sujet Africain se doit de se prendre en charge. Cela signifie pour la bourgeoisie nationale de créer des conditions de vie capable de favoriser l’épanouissement de tous. Par cet acte, les dirigeants Africains donneraient de l’espoir et de la dignité à des populations qui n’auraient plus à attendre des dons sous forme d’aide au développement. Ils seraient plus fiers et moins naïfs que Meka, « l’imbécile qui hier croyait encore à l’amitié des Blancs » (Oyono, 2005 : 150). Car, le contexte géopolitique ne reconnaît que des intérêts et non des amis. En redonnant de l’espoir à la jeunesse africaine en créant sur place des conditions de vie agréables et des emplois, on éviterait le spectacle effroyable des dizaines de milliers d’hommes, femmes et enfants qui, à bord d’embarcations de fortune, tentent chaque jour de traverser la Méditerranée pour essayer de chercher en Europe un illusoire eldorado.


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FILMOGRAPHIE ET VIDÉOGRAPHIE

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1Référence à la formule attribuée à Michel Rocard le 3 décembre 1989 lors d’un entretien avec Anne Sinclair dans l’émission 7 sur 7 sur la chaine TF1 qui disait : « Nous ne pouvons pas héberger toute la misère du monde… » (Rocard, 1989).

2On peut citer l’important corpus des premiers auteurs de l’Afrique francophone qui ont magnifié la métropole coloniale : Mirages de Paris, de Ousmane Socé (1964) ; Un nègre à Paris, de Bernard Dadié (1959) ; Kocoumbo, l’étudiant noir, de Gérard Aké Loba (1960).

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